Patron de la première Caisse Régionale du Crédit Agricole (Crédit Agricole d’Ile-de-France – CA IDF), Olivier Gavalda a mis un coup d’accélérateur dans la modernisation de son réseau bancaire. Marketing digital personnalisé, crowdfunding ou encore intelligence artificielle – voici les points clés de sa stratégie de transformation.
IN Banque : Comment la transition numérique est-elle organisée au sein du groupe Crédit Agricole? Et comment le CA IDF se situe-t-il ?
Olivier Gavalda : Nous sommes un groupe mutualiste et décentralisé. Chaque Caisse Régionale prend des initiatives, en fonction de sa stratégie et de la spécificité de son territoire. Puis, les réussites sont partagées au niveau de la Fédération Nationale du Crédit Agricole. A cette mutualisation s’ajoute les innovations apportées par Crédit Agricole S.A. Au-delà des processus classiques bottom up ou top down, notre approche est davantage circulaire. Concrètement à la différence d’une banque centralisée, ici le terrain est à l’initiative puisque chacune des 39 Caisses Régionales dispose d’une capacité d’investissement. Par contre quand il s’agit d’être dans les standards du digital – voire même de les devancer – ceci se joue au niveau national.
Comment faites-vous pour compenser la baisse du contact entre le client et son conseiller ?
Soyons précis. Il y a certes moins de visites en agences depuis une dizaine d’années pour faire des opérations simples, mais étonnement dans le même temps les contacts avec les conseillers ne font qu’augmenter : appels téléphoniques, emails, entretiens physiques ou visio. Il serait erroné de réduire le contact entre un client et son conseiller à un seul canal. Et quand vous regardez l’objet des entretiens, il s’agit de demandes d’expertise (montage d’un crédit, assurance, etc). Le conseil du conseiller prend tout son sens. Au CA IDF, nous investissons pour enrichir cette relation entre le client et son conseiller. Ainsi nous développons notre propre DMP (NDLR : Data Management Platform) pour un marketing digital ultra-personnalisé au regard des besoins du client ; et également dans l’IA pour faciliter l’apport de solutions hyper-personnalisées de la part du conseiller à son client.
Quels sont les chantiers sur lesquels vous travaillez à l’heure actuelle ?
Nos efforts se concentrent sur le traitement du big data et de son utilisation avec le marketing digital ou encore les notifications aux conseillers. Le sujet de la data n’est pas réellement une nouveauté ou une innovation dans le secteur bancaire. Toutefois son traitement est sous-développé pour apporter de la valeur au client.
Par ailleurs, nous coopérons avec des start-ups pour muscler notre offre de services et gagner en agilité. Par exemple, avec le chatbot Hello Charly nous avons déjà aidé 4 000 jeunes dans leurs parcours d’études. C’est une preuve de notre utilité sur le marché des jeunes en Île-de-France. Pour imaginer la banque de demain, nous effectuons du crowdsourcing – c’est-à-dire de l’idéation – avec des internautes sur la plateforme ouverte de Braineet. Certaines idées émises par des clients ou prospects donneront naissance à de nouvelles offres innovantes dans les toutes prochaines semaines. Sur le marché des professionnels, nous collaborons avec Tudigo – ex Bulb In Town – pour soutenir de jeunes entrepreneurs grâce au crowdfunding – financement participatif local. Tout ceci est cohérent avec notre modèle coopératif, avec notre histoire, avec nos valeurs.
Vous évoquiez l’Intelligence Artificielle. Quel sera son rôle à jouer selon vous dans le conseil financier ?
Ce terme me parait obsolète. L’IA n’est qu’une somme d’algorithmes un peu plus sophistiqués qu’auparavant, d’une puissance machine jamais atteinte amenant à moins d’erreur dans le prédictif, à des sous-segmentations clients plus fines, à de la reconnaissance vocale ou optique, etc. Mais l’intelligence reste un attribut humain. A Intelligence Artificielle, je préfère donc Intelligence Augmentée. L’empathie, le doute, le sourire ne se paramètrent pas et c’est tant mieux ! Les interactions humaines ne vont pas disparaître demain, et encore moins disparaitre pour ce sujet éminemment personnel et culturel qu’est l’argent. Au contraire, la machine permettra aux 2 500 conseillers du CA IDF d’être au plus près des attentes de chaque client et de reléguer aux algorithmes certaines tâches administratives à faible valeur ajoutée. Objectif : nous concentrer sur la satisfaction de nos clients, pour générer de la recommandation humaine. Donc puisque jamais un robot ne remplacera l’interaction humaine, nous investissons peu dans les roboadvisors et sommes à contre-courant.
En 2018, vous finirez la transformation de vos 277 agences, quel premier bilan dressez-vous ?
Nous sommes très contents de l’investissement dans le concept d’agence ACTIVE, à la fois côté clients que côté conseillers. Avec la fin de son déploiement, nous ne sommes plus dans l’expérimentation : nous affirmons que l’agence est au cœur de notre modèle de distribution 100% humain et 100% digital. L’agence est une plateforme multicanale de proximité où le client peut échanger avec son conseiller dédié par le canal de son choix. Demain, nos conseillers en agence géreront aussi les sollicitations de leurs clients sur les réseaux sociaux. L’agence de proximité sera ainsi tout aussi proche de ses clients par le digital, que par sa localisation physique. C’est une réponse à une aspiration sociétale qui n’est pas exclusive à la banque : je constate que plus le monde se globalise et se digitalise, plus les individus revendiquent une appartenance ou un besoin d’hyper local.
Olivier Gavalda sera présent le 8 février lors d’IN BANQUE 2018 pour partager sa vision de la banque de demain.