Deuxième groupe bancaire en France, BPCE accélère l’intégration de l’IA dans ses parcours clients et dans le quotidien de ses conseillers. Sonia Kaufman, directrice IA Client, Conseiller et CRC, détaille la stratégie du groupe, ses choix technologiques et l’importance de l’expérience utilisateur pour garantir l’adoption de l’IA sur le terrain.
IN BANQUE : Quels sont les fondamentaux à connaître sur BPCE ?
Sonia Kaufman : BPCE est le deuxième groupe bancaire en France : nous finançons plus de 20% de l’économie française. Nous comptons 35 millions de clients, 10 0000 collaborateurs et 35 000 conseillers en France.
Le nombre de clients actifs sur l’application mobile atteint 11 millions, avec des interfaces parmi les plus appréciées du marché par les utilisateurs (tant dans les notations App Store que Google Play).
Quelle est la place de l’IA dans les parcours clients ?
Nous avons une volonté forte d’intégrer l’IA dans nos parcours clients, notamment dans l’application mobile et l’accompagnement de nos conseillers au quotidien. Nous utilisons des modèles de machine learning qui permettent de proposer des services très personnalisés, via l’application ou par l’intermédiaire des conseillers.
Et depuis le 27 mars, nous avons entamé le déploiement d’un agent conversationnel basé sur l’IA dans l’application mobile des Banques Populaires et Caisses d’Épargne.
Comment avez-vous travaillé sur ce sujet en interne ?
Sur le plan organisationnel, nous nous sommes alignés sur les ambitions fixées par le plan stratégique du groupe, Vision 2030 autour d’une IA impactante au service de la performance et de la simplicité pour nos clients et nos collaborateurs. Nous nous appuyons sur deux piliers : une IA pour tous – chaque collaborateur sera en interaction avec l’IA ; et une IA transformante et créatrice de valeur – les projets sont regroupés par thématique (clients, conseillers, centres de relation client, IT, lutte contre la fraude…).
Par exemple, les conseillers peuvent désormais dicter à haute voix leur compte-rendu de rendez-vous client, sans structure particulière. L’IA synthétise ensuite le récit pour produire un compte-rendu conforme aux standards internes. Une fois ces contenus homogénéisés, ils peuvent être exploités pour identifier des opportunités commerciales.
Une spécificité de BPCE est que les équipes Data/IA, couvrant l’ensemble du groupe, sont rattachées directement à un membre du comité de direction générale, afin de rassembler les moyens et les expertises et d’avoir une vue globale pour la déployer au sein de tout le groupe, via une filière dédiée. Nous pilotons des équipes pluridisciplinaires mêlant métiers, product owners, IT et data scientists, pour délivrer les projets.
Les clients ont-ils été impliqués dans ces projets pour l’expérience client et l’ergonomie du service ?
Au sein de BPCE Digital & Payments, auquel est rattachée la direction Data et IA du groupe, nous avons une équipe dédiée à l’UX. Son rôle est d’explorer en continu les attentes des clients et conseiller et de co-construire avec eux des solutions adaptées, car l’UX joue un rôle fondamental dans la réussite d’un projet d’IA.
Pour un conseiller, si l’IA s’intègre intuitivement, sans effort supplémentaire, dans son parcours habituel et lui apporte une forte valeur ajoutée, son adoption est assurée. C’est la qualité de l’interaction conseiller/IA qui détermine le succès d’un projet.
Les clients, habitués à des outils comme ChatGPT, attendent des expériences conversationnelles similaires. Cependant, ils exigent une fiabilité totale sur leur application bancaire, alors qu’ils se montrent plus indulgents avec ChatGPT ou Gemini par exemple.
À partir de quand l’IA décroche-t-elle pour le conseiller client ?
C’est une question importante. Nous développons des cas d’usage basés sur des besoins identifiés lors d’immersions terrain, mais le champ des possibles s’élargit constamment. Ainsi, chaque projet est conçu comme une brique réutilisable dans d’autres processus du métier de conseiller bancaire.
Nous avons également fait le choix de toujours être transparents avec les conseillers : ils savent quand ils interagissent avec une IA ou avec un contenu produit par l’IA. L’IA doit être un compagnon permanent, mais le conseiller reste responsable de la validation. La pire situation serait qu’un conseiller dise : « C’est la machine qui me l’a dit, moi je ne sais pas pourquoi ». Nous voulons préserver et valoriser l’expertise humaine.
Sonia Kaufman interviendra lors du débat « Les nouveaux curseurs de l’hybridation digital / humain » de l’événement IN BANQUE 2025 le 19 juin à Paris.