La Directrice Générale de namR, qui aide les acteurs du bâtiment dans leur transition écologique, analyse le rôle du banquier face aux risques climatiques. Une fois outillé par la data environnementale fournie par la start-up, celui-ci peut mieux accompagner les clients dans la prévention et la valorisation de leur maison.
IN BANQUE : Que représente namR aujourd’hui, et quels sont les chiffres à connaître sur votre secteur ?
Chloé Clair : Nous sommes une greentech qui existe depuis cinq ans, et avec notre cinquantaine de collaborateurs, nous produisons des données sur les bâtiments pour connaître le meilleur scénario de transformation afin qu’ils soient encore viables en 2050. Notre solution repose sur des algorithmes d’intelligence artificielle très poussés.
Aujourd’hui, sur les 20 millions d’habitations en France, la moitié est à risque « retrait et gonflement des argiles », c’est-à-dire sur des sols argileux qui subissent des alternances de sécheresse et de pluie. Cela créé des risques de fissures pouvant rendre une maison inhabitable.
11 millions d’habitations sont également à risque du fait de la multiplication des inondations, et environ 5 millions de maisons sont à risque avec les feux de forêt qui sont en train de se développer, notamment bien sûr à cause de la multiplication des canicules. Enfin, il ne s’agit pas d’un risque climatique, mais cela rend aussi potentiellement les habitations non-viables : 5 millions de passoires thermiques sont recensées en France.
Les banques et assurances qui se projettent dans le futur ont donc tout intérêt à mesurer ces risques et à conseiller leurs clients dans leurs efforts de prévention.
Comment le banquier peut-il se positionner auprès de ses clients sur ces sujets sensibles que sont les risques climatiques ?
Le banquier a un rôle majeur, et ce dès l’octroi du prêt immobilier car s’il a plus d’informations – à savoir les risques climatiques actuels et projetés sur la vulnérabilité d’un logement – à transmettre au client qui emprunte, ce dernier va pouvoir coupler un prêt immobilier avec un prêt travaux pour faire de la rénovation énergétique dès qu’il prend possession de son logement.
Le banquier a également l’outil du crédit à la consommation puisqu’avec sa vision des crédits immobiliers existants, il peut contacter ceux qui ont les habitations les plus à risque et leur proposer un crédit afin qu’ils se prémunissent avec des offres réellement transformantes et des services à impact. L’objectif pour lui étant d’être celui qui accompagne le client, qui devient son allié, pour que son bien soit valorisé au mieux.
Rappelons qu’il s’agit d’un investissement majeur pour les Français, puisque pour 60 % d’entre eux, l’immobilier représente leur seul investissement. Il faut donc que ces logements soient durables et habitables dans les meilleures conditions et le plus longtemps possible.
Comment les data et l’IA permettent-elles de prendre la parole auprès de ses clients sur ces sujets ?
Grâce à l’intelligence artificielle, nous sommes capables de définir, pour chaque logement, les meilleurs scénarios de protection et de prévention face aux risques climatiques.
Mais les banquiers ne sont, pour la plupart, ni des spécialistes du changement climatique, ni des travaux à faire en fonction – or ce sont eux qui ont la main sur les crédits. Nous leur mettons donc à disposition nos modules Ecoclic, alimentés par notre IA et nos datas sur la vulnérabilité, pour donner aux particuliers, qu’ils soient déjà clients de la banque ou simple prospect, les meilleures solutions en toute autonomie pour trouver les meilleurs travaux de prévention. Nous avons fait énormément de R&D autour du bâtiment pour être capable d’arriver à cette solution ultra-simple et pédagogique – il suffit de trois à cinq minutes sur le simulateur pour pouvoir passer à l’action.
Quelles recommandations soutenez-vous pour mieux protéger les particuliers des phénomènes extrêmes et assurer une valorisation de leurs biens immobiliers dans le temps ?
Nos simulateurs, qui fonctionnent sur de l’IA, permettent à chaque particulier d’identifier, pour son propre logement, les risques et phénomènes – par exemple, le nombre d’arbres sur la parcelle, la pente ou le ruissellement de l’eau – qui augmentent la vulnérabilité et combien cela couterait en travaux de prévention. Ce sont des choses simples à prévenir dès le départ car dès qu’apparaissent les premiers problèmes, les solutions sont de tout de suite plus complexes.
Bien entendu, il n’y a jamais de risque zéro. Mais les conséquences sur leur maison seront bien moindres que s’ils n’avaient pas fait ces aménagements préventifs.
Comment le sujet de l’adaptation rejoint-il celui de l’atténuation dans ce cas ?
L’adaptation au changement climatique nous pousse à concevoir l’habitat dans le temps futur, et l’atténuation nous pousse à agir pour qu’il y ait moins de gaz à effet de serre dans l’atmosphère – c’est ce qu’on appelle aussi la décarbonation. Nous devons nous atteler à ces deux tâches en même temps.
Malgré toutes les bonnes volontés, de vrais risques pèsent encore sur les infrastructures et les bâtiments : c’est pour cela qui faut faire de l’adaptation pour l’ensemble des projets, notamment dans le neuf où il faut arrêter de se reposer sur des codes obsolètes. C’est ce qui est nouveau dans le secteur : auparavant, on imaginait des constructions en fonction des phénomènes passés, alors que désormais nous pouvons et nous devons nous projeter dans le futur grâce à des techniques qui ont fait leurs preuves pour que ces bâtiments soient encore viables et habitables en 2050.
Chloé Clair interviendra lors du débat « Accélérer la décarbonation du portefeuille immobilier clients grâce à la puissance de l’IA » lors de l’événement IN BANQUE le 20 juin 2024 à Paris.