Le General Manager de Revolut en France fait le point sur sa croissance fulgurante, sa stratégie de localisation hexagonale et ses ambitions dans le crédit immobilier, le Livret A ou encore l’IA. Objectif : devenir la banque principale de millions de clients.
IN BANQUE : Revolut fête ses dix ans cette année : à quoi ressemble l’entreprise désormais ?
George Grumbar : A l’échelle mondiale, Revolut est présente dans plus de quarante pays et recense plus de cinquante millions de clients. La France est notre premier marché en Europe (en nombre de clients), et le deuxième dans le monde (après le Royaume-Uni, notre marché historique avec onze millions de clients).
Dans l’Hexagone, nous venons de franchir la barre des cinq millions de clients. Notre vitesse de croisière y est soutenue puisque nous avons acquis 1,5 million de clients en 2024, et nous en convainquons encore environ 200 000 chaque mois. C’est d’ailleurs la croissance mensuelle la plus rapide au monde pour Revolut. Notre objectif est d’atteindre le seuil des dix millions d’ici 2027, et des vingt millions à l’horizon 2030.
Côté effectif, nous atteindrons bientôt les 300 collaborateurs. Cette succursale française peut proposer des produits avec un ADN local, un IBAN et compte courant français, etc.
Revolut propose désormais une large gamme de services au-delà du simple compte bancaire. Quelle est votre stratégie globale en matière d’enrichissement de l’offre ?
Ce qui explique notre succès, notre croissance, notre présence dans le monde et le franchissement du seuil des cinquante millions de clients, c’est que nous avons un véritable modèle à grande échelle : nous créons des produits et services au siège, qui peuvent ensuite être proposés rapidement dans tous nos pays. Mais cela peut manquer de personnalisation et de localisation pour les clients d’un pays à un autre.
Or, nous sommes arrivés à un stade de maturité où notre stratégie consiste à nous focaliser sur la localisation dans nos marchés clés. Cela veut dire que par exemple, un Français préfèrera certains produits ou services, et qu’il faut s’adapter. C’est le cas pour le Livret A et le PEA, très importants pour les clients hexagonaux, et beaucoup plus complexes pour Revolut à proposer – car cela engendre du développement pour un seul pays.
Mais depuis un an, grâce à notre maturité, nous nous adaptons progressivement. Nous voulons faire de Revolut le compte bancaire principal du client – c’est le graal pour les banques digitales. Nous avons donc identifié ce qui peut nous permettre d’atteindre cet objectif, côté produits, services, mais aussi en matière de confiance dans la banque. Nous allons donc lancer le crédit immobilier avant la fin de l’année – un produit phare pour nous en matière d’acquisition. Nous voulons proposer quelque chose de différent, 100 % digital, et qui casse les codes du marché. La France sera le troisième pays à le proposer, après la Lituanie et l’Irlande. Notre priorité étant de fournir un panel suffisamment large pour que le client se sente bien chez nous en tant que banque principale. Et quand on ne propose pas de crédit immobilier, on perd forcément cette clientèle-là.
L’autre produit phare pour le marché français est le Livret A, cette épargne que les Français placent dans leur banque principale. Nous remarquons que le fait de ne pas le proposer est une barrière à l’entrée pour bon nombre de clients, car avec le Livret A, ils ont toujours ce lien d’attache à leur banque traditionnelle. C’est la même chose pour le PEA, que nous comptons lancer cette année, pour que les clients puissent avoir, chez Revolut, le panel de produits et services qu’ils cherchent dans leur banque du quotidien.
Dernier lancement prévu cette année, avec une cible différente : le crédit aux PME. Nous souhaitons le rendre le plus digital possible, avec une réponse plus rapide et un parcours plus fluide et autonome que dans une banque traditionnelle.
L’autonomie des clients est au cœur de l’offre des banques en ligne. Comment Revolut assure-t-elle l’expérience utilisateur ?
Nos clients ont toujours cherché la maîtrise de leur vie financière. Notre philosophie est que le client devrait gérer son argent comme il ou elle le souhaite, en enlevant toute barrière pour mener une action jusqu’à son terme. Nous essayons de faire en sorte que chaque action prenne moins d’une minute sur l’application.
Ce qui est important, c’est que l’expérience soit fluide, que la réponse soit bonne et que la solution soit fournie. Et nous avons prouvé que nous sommes capables de faire cela sans conseiller. Car la banque, en réalité, ce n’est pas compliqué. Avec les bons outils, le client peut être parfaitement autonome.
La personnalisation des services est également un levier fort. Comment utilisez-vous les données pour offrir des services bancaires adaptés à chaque profil ?
Nous estimons que l’autonomie et la personnalisation vont main dans la main, car cela permet aux clients de s’auto-aiguiller. Par exemple, sur la page d’accueil de l’application, tous les éléments (investissements, épargne, devises…) sont déplaçables pour créer une expérience sur-mesure.
Nous commençons également à utiliser des algorithmes pour recommander des produits et services selon le profil du client. C’est quelque chose que nous allons d’ailleurs développer cette année.
Quelle est la place de l’IA pour guider ou conseiller les clients dans la gestion de leurs finances ?
L’utilisation de l’IA dans le conseil est épineuse en raison des problématiques réglementaires. Nous étudions donc la question, mais à l’heure actuelle, ce n’est pas un robot qui vous conseille pour gérer vos finances dans notre application.
En revanche, si un client se demande comment utiliser l’application dans certains cas, s’il se demande où en est le virement qu’il attend… là, notre outil de chat va se reposer sur l’IA pour fournir la meilleure expérience aux utilisateurs. C’est d’ailleurs l’un des trois niveaux où nous utilisons l’IA : tout d’abord, pour tout ce qui aide le client à s’aider lui-même – à la place des FAQ peu digestes qui existaient jusqu’à présent. Le pourcentage de clients satisfaits des réponses du chatbot a d’ailleurs triplé au cours de l’année dernière.
Notre autre usage de l’IA concerne les produits, même si cela demeure limité pour le moment. Le client répond à un questionnaire sur son profil et ses envies, pour que le RoboAdvisor lui propose des investissements. Selon les réponses du client, le robot apprend – à l’image d’une IA classique.
Enfin, nous utilisons énormément l’IA en interne pour la sécurité financière de nos clients : combattre la fraude, détecter des transactions inhabituelles… Ces nouveaux outils nous permettent aussi de gagner du temps et d’aider nos ingénieurs à coder.
George Grumbar interviendra lors de l’événement IN BANQUE 2025 le 19 juin à Paris dans le cadre de la session « Banques en ligne : enrichissement des services & autonomie client »