Le Chief Data & AI Officer du groupe défend une approche pragmatique de l’intelligence artificielle au service de l’Humain, où la donnée renforce les métiers sans les dénaturer. Entre performance opérationnelle et accompagnement client, l’ambition est de faire de l’IA un levier d’utilité, pas une fin en soi.
IN BANQUE : Pouvez-vous nous présenter le groupe en quelques mots, et plus précisément votre périmètre data/IA ?
Aldrick Zappellini : Le Crédit Agricole est un Groupe à l’identité coopérative et mutualiste avec ses 39 Caisses régionales et ses 12,1 millions de sociétaires. Fort de 54 millions de clients et 157 000 collaborateurs, il est le 1er financeur de l’économie française et la 9ème banque mondiale. En tant que banque universelle, Il exerce dans tous les métiers de la banque et de l’assurance mais aussi – et c’est moins connu, dans des secteurs comme l’énergie ou encore la santé au sein des territoires.
En tant que Chief Data & AI Officer du groupe, mes missions sont multiples : orientation stratégique, gouvernance, règles communes aux entités du Groupe aussi bien pour les métiers que nos équipes IT. J’accompagne également les transformations des IT dans sur la confiance numérique, la data et l’IA, dont l’accélération implique des changements importants pour les organisations, les pratiques et les outils.
Enfin, je dirige également un Data Lab Groupe réalisant la veille, la R&D et le développement de solutions innovantes et industrielles, ainsi qu’une AI Factory Group qui accompagne les entités qui le souhaitent dans leur montée en compétences pour développer les solutions et usages de l’IA en s’appuyant sur les actifs développés par le DataLab Groupe et sa méthode certifiée et labellisée RSE.
Dans quels cas concrets le Crédit Agricole choisit-il de privilégier l’humain ou le digital ?
Je ne poserais pas exactement la question en ces termes. Aujourd’hui, la majorité des clients débutent leur parcours via le digital qui doit offrir une expérience fluide et de qualité. Cependant, beaucoup souhaitent, à un moment, échanger avec un humain. Par exemple, pour un crédit immobilier, moment rare, important et parfois anxiogène pour le client, l’IA permet d’une part d’améliorer l’expérience digitale en guidant la collecte des justificatifs nécessaires et en les vérifiant, et d’autre part de libérer du temps afin que le conseiller soit plus présent quand c’est essentiel pour le client : pour lui expliquer comment bien s’assurer ou encore la suite du processus jusqu’à la signature de la vente chez le notaire…
Autre exemple : grâce à l’IA, nous pouvons anticiper une fragilité financière six à neuf mois à l’avance. Cela permet de proposer un rendez-vous personnalisé avec un conseiller qui pourra évaluer la situation avec le client et mettre en place des solutions adaptées.
Notre ambition n’est donc pas d’imposer l’IA mais de proposer des usages utiles et concrets afin que nos collaborateurs se concentrent sur des tâches plus contributives à la relation client.
Comment l’IA transforme-t-elle l’activité des conseillers bancaires ? Et comment sont-ils formés à ces outils ?
Tout d’abord, il est essentiel d’acculturer et de former tous les collaborateurs à l’IA : son potentiel, les convictions de l’entreprise quant à son utilisation mais aussi ses risques et ses limites. Un programme « IA pour tous » a été lancé à cet effet.
Ensuite, concernant les conseillers, lorsque nous déployons de l’IA, il est essentiel qu’elle soit intégrée aux outils quotidiens pour une utilisation simple et intuitive. Par exemple, une IA qui aide à rédiger un compte-rendu d’entretien puis propose des opportunités de rendez-vous pour suivre les projets du client doit être parfaitement connectée à l’outil de gestion de la relation client. La formation et la compréhension de l’utilité concrète deviennent alors évidentes. Sur cet exemple, l’IA permet au conseiller de gagner du temps et d’être acteur de sa future activité commerciale et relationnelle avec les clients.
Les collaborateurs ont-ils besoin d’être rassurés au sujet de cette nouvelle technologie ?
Oui, bien sûr. Si certains collaborateurs redoutent un remplacement par l’IA, d’autres craignent que nous ne l’adoptions pas assez vite et que des concurrents plus rapides nous remplacent. Il y a donc un équilibre à trouver, c’est ce que nous appelons l’adoption maîtrisée et responsable.
Avant d’adopter l’IA, il est important que l’entreprise affirme (ou réaffirme) ce qu’elle souhaite vraiment ce que ses collaborateurs réalisent. Pour le Crédit Agricole, nous voulons que les collaborateurs soient plus disponibles pour les clients. Des tâches peuvent être déléguées à l’IA, c’est-à-dire de manière réfléchie et sous contrôle, afin de libérer du temps ou de faire en sorte que nos collaborateurs soient davantage présents quand et où c’est essentiel pour les clients.
La compréhension de l’IA, de ses risques et limites et de comment l’entreprise souhaite l’utiliser de manière sécurisée et responsable pour renforcer l’Humain, est un facteur de réassurance. C’est bien l’objectif de la formation « IA pour tous ».
Quels indicateurs utilisez-vous pour mesurer l’efficacité de cette hybridation ?
Avant chaque projet, nous définissons des critères objectifs et mesurables de gains. S’il s’agit de gains de productivité, nous précisons comment ils seront réinvestis, afin de mener une conduite du changement claire et transparente.
Par exemple, dans l’assurance, un parcours digitalisé de dépôt de justificatifs – qui n’existait pas auparavant – allège la charge du conseiller et du back-office grâce au contrôle réalisé par l’IA. Il s’agit alors de mesurer le temps libéré et de faire en sorte de le réinvestir pour approfondir la relation avec le client au travers d’un bilan assurance ou encore de faire face au nombre croissant de sinistres notamment lié aux aléas climatiques.
Aldrick Zappelini interviendra lors du débat « Les nouveaux curseurs de l’hybridation digital / humain » de l’événement IN BANQUE 2025 le 19 juin à Paris.