Directrice de la relation client depuis trois ans de La Banque Postale, qui a pour ambition de devenir la banque préférée des Français dans son plan stratégique, Sandrine Beltran a notamment contribué au lancement de Lucy, premier callbot qui traite en France des données bancaires. Relation client, IA et fracture numérique : elle fait le point sur l’actualité de La Banque Postale.
IN Banque : Que représente l’activité de La Banque Postale aujourd’hui ?
Sandrine Beltran : Nous sommes une banque de proximité, filiale du groupe La Poste, présente sur tout le territoire français grâce à 17.000 points de contact et 7.000 bureaux de poste. Nous accompagnons 20 millions de personnes physiques et morales et avec CNP Assurances, nous sommes devenus un bancassureur européen de premier plan qui propose une gamme complète de produits.
Côté bilan, nous avons 50 milliards d’euros sous gestion en termes d’encours de financement, 50 milliards d’encours en termes d’investissement et 50 milliards pour l’assurance-export.
Quelle est votre singularité face aux autres acteurs du secteur ?
En tant que banque citoyenne, nous avons une mission de service public et d’accessibilité bancaire qui permet à tout un chacun, quelle que soit sa situation financière, d’accéder à un compte bancaire. 1,4 million de personnes en France en bénéficient. Nous sommes également devenus entreprise à mission depuis février 2022, et sommes leader dans la finance durable et responsable.
Comment organisez-vous la relation client à distance ?
En complément des bureaux de Poste, nous proposons à nos clients une relation à distance en leur laissant le choix du canal d’interaction (téléphone, mail, bientôt le tchat). Nous avons 17 sites, tous situés en France (métropole et DOM/TOM).
Nous avons trois types de dispositifs : un service client accessible via le 3639 et un numéro 09 ; la Banque Postale Chez Soi qui permet à nos clients patrimoniaux d’avoir un conseiller dédié à distance – et une plateforme de crédit immobilier pour réaliser son projet 100 % à distance.
2.600 collaborateurs travaillent sur la relation à distance et traitent, chaque année, dix millions d’appels et cinq millions d’e-mails.
Vous êtes une banque universelle avec un public très hétérogène : quelles sont les incidences en termes de relation client ?
Via le 3639, nous prenons en charge des profils de clients très différents, des plus fragiles aux plus aisés. En interne, nous avons déployé dans le cadre de notre programme de transformation, une nouvelle organisation par compétence avec un principe de compétence Majeure et Mineure détenues par chaque conseiller : service au quotidien – qui est notre socle de base détenu par tous, compétence fragile, patrimoniales, commerciales et prospect.
En fonction du profil client et du motif d’appel exprimé en langage naturel, l’appel est adressé au premier conseiller disponible qui détient la compétence ayant le périmètre et la posture relationnelle permettant de résoudre la demande au premier contact. Cette organisation offre également pour nos équipes un parcours plus évolutif qui permet à ceux qui le souhaitent d’aller sur des compétences de plus en plus complexes.
Y’a-t-il encore un sujet de fracture numérique ?
Il est intéressant de noter que la crise sanitaire a énormément fait bouger les lignes : nous avons recensé beaucoup de nouveaux clients qui se sont connectés sur nos outils de selfcare – et ceux qui ont migré sur le numérique ne font pas marche arrière. Cependant, une partie de nos clients reste encore éloignée du numérique, et en tant que banque citoyenne, notre rôle est de les accompagner sur les outils de selfcare en faisant leur promotion.
Pour autant, nous travaillons la complémentarité entre le digital et l’humain, et nos conseillers sont disponibles pour prendre en charge nos clients au téléphone. Contrairement aux banques en ligne qui s’adressent principalement à des publics digitaux, notre spécificité est de pouvoir offrir tous les modèles relationnels pour que le client puisse choisir son canal d’interaction. Email, téléphone, bureau de poste : il est important que quel que soit son profil, le client puisse interagir avec la banque comme il l’entend !
Quels sont les enjeux en ce qui concerne votre responsabilité sociale ?
En tant qu’entreprise à mission, nous sommes particulièrement sensibilisés aux enjeux écologiques, environnementaux, territoriaux, numériques et sociétaux. Notre mission de service public fait que nous sommes proches des clients les plus fragiles.
Nous avons également fait le choix d’avoir notre relation client uniquement basée en France pour contribuer à l’emploi dans les territoires, ce qui nous a aussi permis de devenir la première banque certifiée « Marque de Garantie 100 % relation client France remis par l’AFRC et Origine France Garantie.
C’est aussi un gage de transparence pour nos clients, et c’est beaucoup plus vertueux en termes d’écologie. Nos conseillers font également la promotion d’offres à impact pour la mobilité et l’habitation ; cela leur permet d’aligner leurs valeurs personnelles avec ce qu’ils conseillent aux clients.
Pour mettre à profit l’intelligence artificielle, vous avez lancé « Lucy » il y a quelques mois : quels sont les premiers retours ?
Compte tenu de notre mission d’accessibilité, nous avons une particularité : tous les débuts de mois, au moment du versement des prestations sociales, nous recevons 30 % d’appels supplémentaires autour du « solde de compte » : nos clients s’inquiétant de l’arrivée de leurs prestations CAF ou Pôle emploi.
Nous avons fait le choix du callbot Zaion, éditeur français d’IA conversationnelle et émotionnelle, dont la voix est beaucoup plus inclusive pour répondre à la fracture numérique. Nous avons créé une voix sur-mesure, alignée avec nos valeurs de proximité.
Nous avons fait également le choix d’incarner Lucy : elle a un prénom et une silhouette présente sur tous nos plateaux, ce qui permet de dédramatiser l’IA. Lucy nous permet d’absorber ce pic d’appels temporaire et garantit l’accessibilité sur toutes les plages horaires. Elle est devenue un dispositif-clé dans notre qualité de service délivrée au client, elle a traité depuis le mois d’août 2022 un million d’appels, ce qui représente entre 5 à 8 points par mois d’accessibilité.
Concrètement, elle est joignable est 24h24, 7j/7 et se présente en tant que callbot. Elle répond aux questions ou transfère l’appel à un conseiller si elle ne comprend pas la demande au bout de deux répétitions. Et lorsqu’elle transfère l’appel, le conseiller récupère le contexte via l’outil de contact center et le CRM. Le client peut également lui demander d’être mis directement en relation avec un conseiller.Son autre point fort : si notre client est un senior, Lucy va ralentir son débit pour faciliter la compréhension. Elle va aussi détecter lorsque vous êtes proche de votre autorisation de découvert et vous alerter.
Compte tenu du profil de nos clients, nous travaillons sur la complémentarité entre l’IA et le conseiller.
Quels sont vos projets à court/moyen terme ?
Nous avons lancé il y a deux ans un grand chantier de transformation, changé l’organisation et la distribution des flux, déployé Lucy, externalisé la banque en ligne… 2023 sera donc plutôt l’année de la consolidation de ces nouveautés.
En revanche, pour 2024, nous allons travailler sur un outil de conseiller augmenté pour lui faciliter l’accès à l’information et donc l’aider à prendre en charge nos clients. Cela nous aidera également à améliorer l’expérience collaborateur.
Sandrine Beltran interviendra sur le thème « Stratégies clients : enjeux & perspectives 2025 » lors de l’événement IN BANQUE 2023 le 22 juin à Paris.