Aux manettes de la transformation digitale de Bpifrance depuis 2017, Matthieu Heslouin fait le point sur les grands changements au sein de l’Institution, du front au back office. Pour la banque publique d’investissement, l’open banking fait partie des grandes révolutions sur lesquelles surfer.
IN Banque : En quoi consiste l’activité de Bpifrance aujourd’hui ?
Matthieu Heslouin : L’objectif de la banque publique d’investissement est de développer l’économie française, tout en soutenant la dynamique entrepreneuriale. Pour accomplir cela, nous accompagnons les entreprises à chaque étape de leur développement, à travers les métiers de la Création, du Financement, de l’Innovation, de l’Investissement, de la Garantie, de l’Export et de l’Accompagnement.
Par exemple, nous servons directement plus de 50.000 entreprises en direct, et plus de 300.000 de façon indirecte, via les garanties ou les investissements. Nous stimulons aussi la création d’entreprises, dont 800.000 sont recensées chaque année en France.
Côté bilan, nous avons 50 milliards d’euros sous gestion en termes d’encours de financement, 50 milliards d’encours en termes d’investissement et 50 milliards pour l’assurance-export.
Sur le front du financement, comment la digitalisation des parcours a-t-elle évolué ?
Nous sommes sur une trajectoire très intense depuis 2017, car il a fallu digitaliser la plupart des parcours, dans la majorité des métiers.
A l’heure actuelle, nous avons entièrement digitalisé les prêts d’honneur pour la création d’entreprises. Pour les TPE/artisans/commerçants, nous avons déployé l’année dernière la plateforme Flash, qui a permis de digitaliser entièrement les financements visant à opérer une transition verte, une transformation digitale ou un soutien de trésorerie. Nous avons aussi digitalisé l’intégralité des demandes de subventions autour de l’Innovation.
Parmi les autres processus entièrement digitalisés, nous retrouvons également les PGE, durant la crise sanitaire, dont ont pu bénéficier 750.000 entreprises, les demandes de garanties en ligne par les banques, ou encore les parcours autour de l’Assurance Prospection.
En ce qui concerne le Financement et l’Assurance, c’est encore en cours de déploiement, avec un parcours phygital : ce sont des métiers plus complexes à embarquer. Il faut faire davantage de sur-mesure, ce qui fait partie de nos projets d’avenir.
Avez-vous également travaillé sur la digitalisation de l’Investissement et des Fonds de fonds ?
Afin de développer la démocratisation du private equity, nous avons travaillé sur le Fonds de fonds retail, pour permettre aux Français d’investir et d’acheter en direct des parts de fonds de Bpifrance grâce au digital. Ainsi, notre transformation est systémique pour l’ensemble des métiers et des parcours de la maison, avec des taux de complétion compris entre 50 et 100 %.
Que reste-t-il à accomplir sur votre feuille de route ?
Beaucoup de choses ! Le chantier du back office a commencé fin 2022 et va s’étaler sur trois ans. Il a démarré avec la digitalisation des actes de gestion, comme les changements de RIB, ou encore les demandes de duplicata. Le réaménagement de contrats de financement, le changement de nature ou de dirigeant, et en conséquence d’assurance, font aussi partie de nos projets. Nous allons également davantage nous focaliser sur la partie gestion et efficacité opérationnelle.
Par ailleurs, nous allons davantage digitaliser les constats de fin de programme, spécifiques à l’Innovation et à l’Export. Cela s’explique par le fait que Bpifrance délivre beaucoup de subventions : il faut donc ensuite pouvoir mesurer que les investissements ont bien été faits – un processus très manuel jusqu’ici. Cette digitalisation va donc permettre de faciliter leur usage à la fois auprès des entrepreneurs, mais également sur notre back office.
Nous voulons aussi aller plus loin sur l’Assurance en ligne. Nous l’avons déjà fait pour les prêts, et nous allons étendre les cas d’usage pour inclure notamment les multi-bénéficiaires. J’en parlerai davantage lors de mon intervention le 22 juin lors d’IN BANQUE 2023.
Comment vous emparez-vous de l’open banking ?
C’est un modèle clé pour nous, car nous ne sommes pas une banque de flux. Or aujourd’hui, il est essentiel de s’en saisir pour faire évoluer les méthodes de la banque, et cela ouvre des portes de transformation gigantesques. Quelques exemples nous concernant : nous avons développé Ma Tréso, une première offre de services pour faire de l’agrégation de comptes d’entreprises, dans le cadre des abonnements de services en ligne Bpifrance. Nous souhaitons aussi, avec DSP2, revisiter tous les processus de parcours de subvention. Si nous arrivons à utiliser les flux bancaires pour vérifier la nature des dépenses de nos entrepreneurs, et du coup créer automatiquement des reportings basés sur ces flux, cela devient beaucoup plus simple de suivre l’évolution des projets, à la fois pour l’entrepreneur et pour Bpifrance.
Cela change aussi la dynamique dans les flux d’information ?
Effectivement, sur la partie banque digitale TPE, l’open banking nous permet d’avoir des données plus récentes : ce qui est capital pour décider d’un octroi de financement. Historiquement, le score d’octroi est basé sur le bilan n-1, et nous savons que dans une TPE, cela peut aller très vite, à la hausse comme à la baisse. Nous allons donc pouvoir mettre à jour les données pour faire des notations plus précises afin de potentiellement permettre à l’entrepreneur, qui a eu une année difficile mais qui remonte la pente, de recevoir un prêt. Dans les modèles traditionnels de risque, nous n’aurions pas pu lui prêter.
Dans la banque en ligne, nous travaillons aussi sur des partenariats open banking pour délivrer de nouveaux services : avec Agicap pour permettre aux PME de faire du pilotage avancé de trésorerie ; et avec I Paid That, pour offrir aux TPE une vision complète de leur comptabilité.
Matthieu Heslouin interviendra lors de la session « Financement, crédits : services innovants & nouveaux parcours clients » de la prochaine conférence IN Banque le 22 juin 2023 à Paris.