Lancée il y a trois ans, la proptech a accompagné plus de 10.000 acquéreurs à Paris et sa périphérie. La co-fondatrice et COO de Virgil analyse les évolutions dans la quête de l’accès à la propriété.
IN Banque : Quelles sont les problématiques auxquelles Virgil souhaite répondre ?
Saskia Fiszel : Nous avons créé un modèle inédit à partir du constat selon lequel il est impossible, pour les jeunes actifs, de devenir propriétaire dans les grandes villes où ils travaillent – à moins d’avoir un apport familial ultra conséquent. Ce n’est finalement plus l’accès à l’emploi qui est un obstacle, mais plutôt l’accès à l’apport. Donc nous complétons l’apport familial, jusqu’à 100.000 euros. Nous avons développé cette offre financière, en la couplant avec une autre innovation : l’accompagnement tout au long du parcours d’achat, de la simulation à la création d’un budget, de la rédaction d’une offre à l’assurance d’acheter le bon bien au bon prix, des démarches de financement bancaire et notariales jusqu’à l’emménagement.
Quel est le profil type de vos clients ?
Avoir besoin d’un complément d’apport pour devenir propriétaire concerne tout le monde. Les profils qui nous sollicitent sont très divers, vont de 25 à 45 ans environ avec une moyenne à 33 ans. Cela va du salarié modeste, issu de l’enseignement ou du soin et dont les revenus évoluent peu mais dont l’épargne est régulière, et qui a conscience que sans Virgil, il sera condamné à payer un loyer toute sa vie et a donc besoin de nous pour devenir propriétaire. Et à l’autre extrémité du spectre, des personnes qui exercent des fonctions beaucoup plus rémunératrices achètent avec nous des surfaces plus grandes que ce qu’ils auraient fait par leurs uniques moyens.
Quel est votre modèle économique ?
En moyenne, nous investissons 10 % du prix du bien et en détenons 15 %. Nous nous rémunérons à la revente, dans un délai de dix ans. Nous restons toujours minoritaires.
Nous facturons aussi l’accompagnement et le conseil, au succès. Et nos partenaires bancaires peuvent également nous rémunérer.
Les conditions de marché ont évolué : quels sont les impacts sur votre activité ?
En ce moment, il est plus difficile pour tout le monde de devenir propriétaire – mais ça l’est encore plus pour les jeunes actifs, car ce sont eux qui empruntent le plus. Pour autant, nous n’avons jamais eu autant de demandes car, s’ils ont compris que c’était difficile, ils ont aussi réalisé que les loyers sont une forme d’esclavage et qu’il faut devenir propriétaire pour s’en sortir. C’est ainsi que le marché devient schizophrène…
Cette demande croissante élargit la typologie de nos clients avec des personnes qui, jusqu’ici, n’auraient pas fait appel à nous – mais qui, en raison de la hausse des taux et la baisse de leur capacité d’emprunt, nous sollicitent non seulement pour booster leur apport, mais aussi pour l’accompagnement. Nous sommes fiers d’annoncer que 96 % de nos dossiers bancaires sont acceptés : c’est énorme comparé au reste du marché.
Notre accompagnement est aussi puissant car nous disons aux clients dès le début quand nous ne sommes pas une bonne solution pour eux, ou quand leur dossier doit être retravaillé. Nous conseillons aussi sur les biens et leurs prix, ce qui est très apprécié dans cette période d’incertitude.
Votre parcours client a-t-il évolué au fil du temps ?
Notre parcours client est resté le même : soit les gens ont déjà trouvé leur bien, soit ils sont en réflexion et veulent faire un budget avec nous. Dans ce cas, ils remplissent un questionnaire sur le site et nous leur confirmons leur pré-éligibilité. Ils prennent ensuite rendez-vous et nous leur demandons des justificatifs pour pouvoir établir rapidement une capacité de financement, avec et sans Virgil.
Puis, nous reprenons contact quand le client a fait une offre pour l’accompagner sur la suite du parcours : démarches notariales avec nos partenaires, promesse et acte de vente, contre-visite avec un questionnaire à remplir… Finalement, nous nous occupons de tout, sauf de chercher le bien en question !
C’est plutôt notre cible qui a grandi au fil du temps. Les conditions d’accès à la propriété se durcissent, et de plus en plus d’acquéreurs qui auraient au départ fait sans nous achètent avec Virgil aujourd’hui.
Autre évolution : ce sont maintenant les banques qui nous sollicitent pour pouvoir elles-mêmes proposer Virgil à leurs clients Nous avons donc créé un parcours à part pour cette démarche. J’en parlerai davantage lors de mon intervention dans le cadre d’IN BANQUE le 22 juin.
Vous avez levé quinze millions d’euros en novembre dernier : quels sont vos projets avec cette enveloppe ?
Nous sommes déjà présents à Paris et sa première couronne, et nous voulons accompagner encore plus d’acquéreurs dans cette région. Mais nous lancerons également Virgil dans d’autres grandes villes de France très prochainement, car il y a de la tension partout où les jeunes actifs sont.
Saskia Fiszel interviendra lors de la session « Financement, crédits : services innovants & nouveaux parcours clients » de la prochaine conférence IN Banque le 22 juin 2023 à Paris.